lundi 21 avril 2008

Shibuya, un Dimanche comme les autres...

Le dimanche a Shibuya c'est le Japon qui craque son slip apres une semaine de travail.
Damien

Le contraste entre Shibuya le dimanche et le reste de Tokyo dans la semaine est saisissant... et rassure aussi mon esprit de plus en plus angoisse par tant de conformisme, de rigueur, et de plaisir refoule, pervertise.
Le meilleur endroit pour assister a ce deballement d'instincts sociaux severement reprimes est certainement YogiYogi Parc, au nord de Shibuya. En cet endroit seulement et a cet unique moment, on troque les costumes sombres et etouffants pour des deguisements manga-esques, les attitudes austeres pour une explosion communicative des sens, et les attache-cases pour toute sorte de jouets et d'accessoires delirants! Le prototype du parfait business man se transforme alors un enfant dejante et surexcite, retour de quelques annees en arriere vers un bonheur delaisse... mais pas encore oublie ni abandonne.

C'est ainsi qu'a peine arrives a YogiYogi Parc nous nous retrouvons plonges dans une foule de gothiques accompagnes de lolitas, jeunes poupees en froufrou et dentelles, passablement sexy dans un autre univers. Au milieu de cette foule maquillee, coiffee, de noir vetue, et laissant depasser de la dentelle rouge en haut d'une cuisse denudee ou d'un nombril aere, certains Bisounours de plus d'un metre soixante ont egalement fait le chemin de retour vers l'enfance.
Les sens s'echauffent rapidement: tantot amuses par de deferlement d'extravagance, souvent excites par la blancheur d'une cuisse sous de la dentelle qu'on imagine n'etre pas qu'un deguisement, toujours fascines par la folie des memes japonais qui nous avaient sembles si tristes et resignes le reste de la semaine!

De l'autre cote de la rue, ces neo-gothiques du XXIeme siecle laissent le champs libre a leurs homologues degeneres de la generation precedente: ceux qui il y a 30 ou 40 ans ont grandi aux rythmes du "twist", "bougie-wougie", et autre "rock n' roll". Eux non plus n'ont pas oublie leurs belles annees: Santiags usees, Jeans moulant, veste en cuir cloutee, tatouages, et bananes a faire palir Elvis Presley! La biere coule a flot dans des gosiers essoufles par un dehanche qui ne s'arrete que le temps d'un coup de peigne. Dix metres plus loin, c'est dans des baskets et des vestes rouges flash, des jupes bouffantes pour ces dames et des jeans moulants pour les hommes, memes coiffures, que l'on danse sur les memes rythmes! Deux styles d'une meme epoque reunis sur les memes beats, sur un meme parking; une poignee de main sincere, un sourire, et quelques danses se partagent; une biere aussi. Bienvenue dans les annees 60!


En chemin on croise aussi des skaters, les mecs d'un cote qui se moquent et se tirent la bourre pour passer un saut avant les potes, une nana, seule, de l'autre, qui travaille un trick bien plus complique. En face les champions de BMX vrillent en tous sens, debout sur la roue avant, la roue arriere dans la main.

Dans les coins plus isoles des peintres composent, des ecrivains cherchent l'inspiration, et nous marchons le coeur leger au son enjoue d'une petite bande composee d'un batteur, un guitariste, et une saxophoniste.

J'admire, je m'emerveille, et j'essai de capturer tous ces instants isoles simultanement dans le meme endroit avec mon appareil... mais meme mon oeil et tous mes sens reunis se perdent dans cette masse vivante... Comment la decrire, la partager?

C'est alors que se produisit le drame; nous le savions sans meme nous concerter, Flo etait perdu, touche avec plus de force qu'un poing, plus de precision qu'une fleche, et plus de tranchant qu'un katana dans la main d'un maitre. La fesse aussi ferme que sa main sur son Bokken (sabre de bois), la delicieuse responsable du coup fatal porte en plein coeur a mon ami virevoltait, au ralenti, s'immobilisant avant de se jeter sur un nouvel assaillant, faisait danser son sabre autour d'elle dans une aura protectrice, jusqu'a avoir mis au sol tous ses adversaires; et mon innocent ami aussi. Maintenant que je vous decris cette scene le doute s'insinue: pratiquait-elle reellement le Kendo (voie du sabre) au ralenti, ou mon emerveillement me poussait-il a decomposer chacun de ses gestes en un subtil melange de grace et de force reunies?
Un peu plus loin, des hurlements sauvages nous parviennent d'un autre spectacle au sabre, ou l'on ne repete cette fois pas les katas, mais des scenes de combats bien plus sanglants; moins artistiques mais plus joues et mis en scenes.

Mais le voyage ne s'arreta pas la. Apres avoir traverse l'univers atemporel des gothiques ressurgis du moyen-age europeen, etre revenus dans les annees 60 aux Etats-Unis, au plein coeur des Trentes Glorieuses, et avoir traverse le temps jusque dans le Japon de l'ere Edo, nous avons ete accueillis sous les tropiques par les rythmes endiables des joueurs de Djumbes et des danceurs de Kapouera. Bienvenue au soleil: atmosphere detendu et de franche camaraderie ou se melent Japonais, Gaijins (les etrangers), blancs becs et blacks: tout le monde semble repondre a cet appel universel qui nous rappelle que nous sommes tous les memes! On aurait pu tourner une pub Beneton et oublier la froideur des relations sociales japonaises, qui veulent que l'on ne se rencontre pas dans le metro, les supermarches ou dans la rue...

Le melange est le meme sur l'ere de sport ou l'on joue a l'Ultimate Frisbee, au Foot, au Badminton... a cote d'associations etudiantes qui chantonnent en jouant et dansant d'etranges lithanies.

Pendant ce temps les petits enfants s'emerveillent des bulles de savons larguees, telles des petites bombes de simplicite par un petit avion que fait tourner dans une danse aerienne au bout d'un fil, la maman ou le papa.

Sur le chemin du retour, l'attroupement est massif pour le "Live for the Earth", ainsi que pour les multiples scenes improvisees sur le trottoire par des groupes independants, simples bandes de potes qui font leur promo loin des ecrans geants des rues principales de Shibuya. La langue japonaise est vraiment trop belle: les ecouter parler est deja un ravissement pour les oreilles, mais quand ils chantent, c'est le decollage assure pour une lointain planete, isolee ou je trippe tout seul. Je m'achete deux CD pour me remorer a souhait la simplicite des instants passes aujourd'hui.

Pour terminer cet apres-midi, qui vous l'avez surement compris, etait unique et merveilleuse, on croise une nana qui tend a bout de bras au dessus sa tete, une pancarte "Free Hugs". Je n'en demandais pas mieux, pouvoir communiquer un peu tout l'amour que j'ai ressenti dans la journee, le partager moi aussi. Je me blotti donc dans ses bras pour quelques secondes perdues au profit de nobles sentiments, et la remercie comme je peux d'avoir mis une aussi belle touche finale a ma journee.


Ils sont forts ces japonais; tres forts!

Damien

3 commentaires:

Nounours a dit…

Ah, la pancarte "Free hugs", on n'y a pensé qu'on été pret de se parc et que la pluie a malheureusement limité notre vue du delire Japonais, mais on a pas osé, regret!!!
Ah, bon courage pour la suite, je regrette qu'on se soit croisé au Japon.
A+
Cédric

Vini a dit…

trop fort la statue "AMI"
c'est que du plaiz comme d'hab a ce que je vois

Anonyme a dit…

Yeaaaaaaaaaaaaaaaaaaaad ! C'est pour tout ça que je rêve du Japon chaque nuit !

Murielle